Modèle économique des médias en République Démocratique du Congo,
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Analyse prospective de la stratégie de Christian Bosembe, (Président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication, CSAC)
Dans son discours d’investiture en tant que 5ème Président de la République Démocratique du Congo, le 24 janvier 2019, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo avait pris l’engagement solennel d’aider les médias à jouer correctement leur rôle de quatrième pouvoir dans le contexte d’une nouvelle vision de gouvernance, à savoir, un État de droit.
Déterminé à rester fidèle à cet engagement, le chef de l’État a posé un certain nombre d’actes positifs au cours de son premier quinquennat. Le Président de la République n’a pas manqué une seule occasion de montrer sa proximité voire son amitié avec les journalistes.
Il a personnellement pris part à chacune des Journées mondiales de la liberté de la presse, célébrées chaque 3 mai. Il s’est impliqué dans l’organisation des États généraux de la Communication et des médias. Il a signé l’ordonnance de nomination du nouveau comité du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC). Enfin, le 4 avril 2023, le Président a promulgué la nouvelle loi sur la presse en remplacement de celle de 1996, jugée obsolète et répressive par les journalistes, représentants des médias et mouvements associatifs de défense de la liberté de la presse.
Malgré ce tableau idyllique, il est nécessaire de passer à des actions beaucoup plus concrètes et significatives. Il est impératif de faire des médias congolais des entreprises rentables dotées de modèles économiques viables.
Le nouveau Président du CSAC, Me Christian Bosembe, nommé le 25 novembre 2022, a choisi de faire de la France et de la Belgique sa première destination à l’étranger en tant que dirigeant de cette institution démocratique. Il est libre de ses choix de déplacement et de gouvernance, cependant, il sera jugé sur les résultats attendus par la corporation, l’opinion publique et l’État.
Dans cet article, Eric Mwamba analyse les enjeux derrière le projet de partenariat entre les médias publics français et belges, les organes de régulation de ces deux pays et le CSAC de la RDC.
Après avoir décrypté la situation, le journaliste, mondialement reconnu pour ses travaux d’investigation, présente des idées alternatives testées dans le monde, en particulier dans les pays anglo-saxons, où les résultats sont probants en termes de liberté éditoriale des journalistes, d’accès des citoyens aux médias, de rentabilité économique des entreprises de presse, et de l’impact des contenus sur les décisions politiques en faveur de l’amélioration des politiques publiques et des conditions de vie des populations.
L’objectif de cet article n’est pas de critiquer, mais d’analyser et de pousser le questionnement plus loin en tant que citoyen et professionnel, afin de modestement accompagner la nouvelle vision du nouveau leadership du CSAC.
Dans le même temps, le nouveau Président du CSAC aurait besoin de points de comparaison pour mettre en œuvre efficacement sa politique de développement du paysage médiatique congolais.
En conclusion, après une semaine en France et en Belgique, Christian Bosembe a résumé l’objectif de son voyage comme étant de “trouver de nouveaux partenariats et de renforcer ceux qui existent déjà”.
1. Bosembe a déclaré lors d’une interview dans la presse kinoise : “Quatre mois après notre arrivée au CSAC, nous voulons former les journalistes et contribuer au développement des modèles économiques des médias.” C’est pour cette raison qu’il a eu des séances de travail avec RFI, TV5, France 24, RTBF et Le Soir pendant son séjour en France et en Belgique. Il a également rencontré les organes de régulation de ces deux pays d’Europe occidentale.
Quels seraient les enjeux de ces différentes rencontres de travail entre le Président du CSAC, ses homologues français et belges et les représentants des médias mentionnés ?
La validité de la réponse à cette question dépend des objectifs de ce voyage, à savoir la recherche de partenaires pour la formation des journalistes, l’amélioration des contenus des médias et le développement des modèles économiques des entreprises de presse. Dans cette perspective, au Grand Journal, nous considérons que Bosembe vient de commettre son premier faux pas. Il n’a pas bien identifié les meilleurs partenaires pour la réalisation de ces objectifs, qui sont pourtant intéressants pour le CSAC, les professionnels des médias et le pays.
Tout observateur averti de la géo-médiatique franco-africaine sait que RFI, TV5, France 24, les médias du Groupe France Monde, sont des services de propagande du gouvernement français. Leurs journalistes sont des agents du ministère des affaires étrangères et émergent du budget de l’État. Ils n’ont pas de modèles économiques propres, bénéficiant des fonds de fonctionnement alloués par l’État français, à l’instar d’autres services publics ou de renseignements ouverts. En Belgique, la RTBF jouit du même statut, dépendant du gouvernement belge. La ligne éditoriale du quotidien belge “Le Soir” obéit à des agendas préétablis qui n’ont rien à voir avec l’intérêt du public, a fortiori celui du peuple de la RDC.
La France et la Belgique n’épargnent aucun effort pour contrôler les opinions publiques africaines, notamment congolaises, afin de maintenir leur influence politique et économique sur le continent. Leurs politiques médiatiques s’inscrivent dans cette logique. Leur donner l’opportunité de former les professionnels congolais résulterait d’une volonté nostalgique de maintien du statu quo colonialiste. Cela conduirait au formatage des médias et des journalistes congolais, favorisant ainsi la réalisation de leurs objectifs. Ce serait la première grande erreur que le CSAC commettrait sous Bosembe.
En échange de leur formation, les Français et les Belges conseilleraient probablement au CSAC de solliciter des financements auprès de leurs États. Ensuite, malgré le rêve persistant d’une subvention gouvernementale en RDC, celle-ci tarde à se concrétiser pour des raisons facilement compréhensibles. Il est aisé d’imaginer les raisons de ce retard.
Certes, les experts de ces deux pays viendront former nos professionnels des médias, mais dans quel but ? En l’absence d’un modèle économique, les médias continueront de vivoter, les journalistes, sans moyens, ne pourront se départir de leurs pratiques critiquées. Ils seront réduits à une situation de précarité. Peut-on espérer quelque chose de positif d’une presse où l’interviewé paie le transport de l’intervieweur ?
Une presse où le représentant public prend connaissance du reportage sur sa gestion avant diffusion ?
Par ailleurs, les organes de régulation belges et français ont peu à apporter à la RDC, car les médias de ces pays couvrant la RDC, ainsi que d’autres pays africains dans leur sphère d’influence, n’ont pas d’impact direct sur les libertés individuelles et collectives de leurs citoyens.
Il est évident que ces médias sont créés pour diffuser à l’étranger afin d’influencer la politique étrangère de la France et de la Belgique dans leurs anciennes colonies.
Il en va de même pour la Voix de l’Amérique (VOA), un organe de propagande du département d’État américain à l’étranger. Il est intéressant de se pencher sur la VOA, d’autant plus que M. Bosembe va certainement se rendre aux États-Unis dans les prochains jours pour des missions similaires. Si tel est le cas, le Président du CSAC ferait mieux de revoir sa stratégie. La VOA, tout comme ses homologues français et belges, n’apporterait pas grand-chose à l’espace médiatique congolais, que ce soit aux entreprises de presse ou à la régulation.
Par ailleurs, sans nier l’influence politique que le pouvoir exécutif peut exercer sur les médias, l’expérience montre que dans les pays de tradition démocratique, les organes de régulation sont souvent inaudibles, sans impact réel étant donné la banalisation des libertés individuelles et collectives, et le cas échéant, le professionnalisme des tribunaux pairs. En effet, dans la plupart des cas, la liberté de la presse ou celle d’expression en général s’exerce dans un contexte de maturité où les médias, les citoyens et les détenteurs de différents pouvoirs respectent les limites de leurs droits et devoirs.
Dans ces pays, les professionnels veillent au respect des libertés individuelles et collectives, de l’ordre public, de la tranquillité et de la cohésion nationale. Pour ces raisons, la RDC n’a pas vraiment grand-chose à attendre de leurs médias et de leurs organes de régulation.
Le digitalisme
Avant d’aborder les solutions alternatives, il convient de noter que le modèle économique basé sur les revenus publicitaires est également envisagé par M. Bosembe dans sa quête de meilleures conditions pour les médias congolais. Toutefois, cela risquerait d’être une illusion.
En effet, espérer que les médias auront des revenus publicitaires est illusoire.
Deux raisons : premièrement, l’activité économique est presque morose en RDC avec l’effondrement, depuis de longues années, des entreprises du pays.
Ensuite, s’il est vrai qu’il y aurait tout de même certaines entreprises en bonne santé économique, elles ne ressentiraient pas le besoin de conclure facilement des contrats publicitaires avec les médias traditionnels. Actuellement, les médias traditionnels ne détiennent plus l’exclusivité de la vérité ni le monopole de la publicité. Aujourd’hui, les entreprises ne sont plus obligées de passer par les médias traditionnels pour atteindre leurs clients ou les consommateurs potentiels de leurs produits et services. Le paysage publicitaire a considérablement évolué. Il n’est plus le même qu’il y a 20 ou 30 ans.
Le numérique a fait que la plupart des entreprises disposent aujourd’hui de leurs propres sites web, voire de leurs propres magazines, en plus de l’envoi de SMS ou de newsletters. Dans un tel contexte, même si par absurdité certaines entreprises nostalgiques peuvent encore être tentées de diffuser leurs publicités dans les médias traditionnels, il est probable que les retombées soient minimes. De plus, le média qui espère une telle manne publicitaire devrait être extrêmement compétitif.
Une aide publique incertaine
D’ores et déjà, la perspective d’une aide publique directe ou indirecte de la part de l’État congolais pour les médias semble hypothétique. Qui mieux que M. Bosembe pour le savoir ?
Selon ses propres aveux, son propre budget du CSAC, estimé à seulement 17 millions de dollars étalés sur 5 ans, n’a pas été décaissé par le gouvernement. Pourtant, il s’agit d’une institution censée bénéficier du budget de l’État. Cela démontre que les médias privés risquent d’attendre cette aide pendant longtemps. De plus, dans un contexte de défis sécuritaires énormes pour le pays, malgré toute la bonne volonté, l’État aurait d’autres priorités que le financement des médias. Surtout que ces derniers ne se sont pas imposés comme un quatrième pouvoir digne de ce nom.
Solutions alternatives
Avant d’aborder les solutions alternatives, il est essentiel de considérer qu’une entreprise de presse est une entreprise comme une autre.
Par conséquent, elle doit développer un modèle économique pour vendre sa marchandise et la rendre rentable. Dans ce cas, la marchandise est l’information. En effet, l’information devrait être considérée comme la marchandise la plus rentable et la plus précieuse, à condition d’être produite quantitativement et qualitativement pour répondre aux besoins spécifiques d’une communauté. L’information pour l’information ne peut en aucun cas suffire.
Paradoxalement, bien que de plus en plus de médias traditionnels fassent faillite à travers le monde, plusieurs études universitaires montrent que de nouveaux médias n’ont pas réussi à les remplacer en termes de modèle économique. Cependant, il y a une lueur d’espoir. En effet, même si des médias peuvent faire faillite, l’information de qualité demeurera un produit précieux et coûteux.
C’est pourquoi, dans les pays anglo-saxons, des modèles économiques renferment des réalités universelles qui pourraient être adaptées, pourquoi pas, en RDC. En effet, pour remplir pleinement leur rôle, les médias ont besoin d’argent, de temps et de compétences. Il existe de nombreux modèles économiques, mais dans cet article, nous évoquerons seulement un échantillon représentatif de grande valeur.
Coopérative d’information
Ce nouveau modèle de “coopérative” aurait des chances de réussir en RDC, un pays où les approches existantes des médias, qu’ils soient traditionnels ou numériques, rencontrent d’énormes difficultés. Certes, en tant que nouveau modèle économique, il nécessite une attention soutenue. Cependant, ses avantages peuvent se manifester sous de nombreux aspects différents. Il s’agit d’un modèle inclusif qui prend en compte les intérêts des éditeurs de journaux, des propriétaires de chaînes de télévision et de radio, des membres des communautés et des annonceurs. Ce modèle est répandu aux États-Unis.
Modèle de revenus hybrides
L’engagement fervent de certains médias en faveur du journalisme de service public indépendant a donné naissance à un nouveau modèle qualifié d’hybride. Parce qu’il génère des revenus qui proviennent de différentes sources. A savoir, des subventions philanthropiques, la publicité et le soutien des lecteurs, y compris des abonnements.
Modèle basé sur la professionnalisation
Ce modèle consiste à sectionner la presse par secteur professionnel. Par exemple l’environnement ou la justice.
Dans le cas de la RDC, la presse spécialisée va tirer ses revenus en accompagnant des réformes en cours dans les différents secteurs. Les budgets publics provenant de l’Etat ou des partenaires doivent allouer des lignes spécifiques dédiées aux médias spécialisés. Il existe d’autres modèles basés sur l’interêt des communautés.
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